Comment l’action Signal Advance a gagné 11 500 % en quatre jours

En un seul tweet, Elon Musk a créé la frénésie et  la confusion sur les marchés financiers. En voulant encourager l’utilisation de l’application de messagerie Signal, il a envoyé des centaines d’investisseurs vers une autre, éponyme. Les deux plateformes, qui n’ont pourtant rien à voir entre elles, ont vu leur cours décoller de façon remarquable. 

Personne n’aurait pu prévoir un tel envol. Du 6 au 11 janvier dernier, l’action de la petite entreprise Signal Advance a gagné la stratosphère. Il s’agit d’une firme texane, fondée en 1992, qui fournit des dispositifs médicaux permettant de détecter des anomalies physiques et mentales. Tout est parti d’un tweet de l’homme le plus riche de la planète, Elon Musk. Aussi étonnant que cela puisse sembler, la société a récolté les fruits inattendus d’une promotion gratuite de la part du multimillionnaire. Sur son compte Twitter, il a en effet encouragé à utiliser cette application.

L’Américain étant éminemment célèbre, et donc très suivi, il a entraîné sans le vouloir un gigantesque – et brusque – effet boule de neige. Comme le rapporte la chaîne CNBC, le cours de l’action de Signal Advance est passé de 60 centimes de dollars à 70 dollars en quatre jours seulement, soit une croissance record de près de 11 560 %. Les chiffres ont de quoi déconcerter. Jusqu’alors capitalisée à hauteur de 55 millions de dollars, la petite entreprise pesait, après ce tweet inespéré, plus de 600 millions de dollars.

Un quiproquo renversant

Mais bien sûr il y avait un hic. Car le fantasque entrepreneur ne parlait en réalité pas de cette entreprise, mais d’une autre qui portait le même nom. Il encourageait en effet le téléchargement de Signal, une application de messagerie sécurisée en ligne, et non pas de Signal Advance. Très nombreux ont donc été les followers et les investisseurs à se faire avoir.

La Signal Foundation, qui finance la bonne application, est une organisation américaine non lucrative, créée en 2018 par Moxie Marlinspike et Brian Acton, le cofondateur de WhatsApp. Dès le 8 janvier, elle s’est employée à mettre en garde les investisseurs, notamment via Twitter. Quelle ironie. « Il est compréhensible que les gens veuillent investir dans la croissance record de Signal, mais ce n’est pas nous ».

Les travers de WhatsApp

« Use Signal ». Deux mots, c’est ce qu’il a fallu au patron de Tesla pour envoyer l’entreprise étasunienne à un tout autre niveau. Mais dans quelle circonstance cet événement a eu lieu ? Pourquoi un si modeste service de messagerie sécurisée en ligne a-t-il suscité autant d’intérêts d’un coup ? Pour comprendre la situation, il faut se pencher sur les malheurs du maître de ce secteur, WhatsApp. En effet, l’annonce, début janvier, que WhatsApp allait forcer des milliards d’abonnés à partager leurs données personnelles avec Facebook (dès le 8 février 2021) n’a pas laissé les utilisateurs indifférents. Un grand nombre d’entre eux ont alors cherché à migrer vers d’autres plateformes de messagerie, supposées plus respectueuses de la vie privée.

Signal est l’une d’entre elles. Fait amusant, malgré la confusion donc, Signal a bien profité également du boost d’Elon Musk. Selon Reuters, elle aurait ainsi été installée plus de 100 000 fois en seulement deux jours sur l’App Store et Google Play, les 6 et 7 janvier. Elle s’est donc retrouvée en tête des téléchargements dans plusieurs pays. Mais réduire ce succès à Elon Musk ne serait pas juste, car l’application est depuis longtemps vanté pour sa transparence aussi bien par Edward Snowden ou encore la Commission européenne.

Trop beau pour durer

Signal Advance a certes bénéficié d’une belle promotion. Mais même si tout semblait aller pour le mieux, il ne pouvait pas ne pas y avoir de retour de bâton. En effet, la correction de Signal Advance en Bourse (c’est-à-dire lorsque les investisseurs se sont rendus compte de leur erreur) a été douloureuse. Rapidement, son cours boursier s’est effondré de 91 %. Mais il s’est ensuite repris dans un dernier sursaut, se stabilisant désormais vers les 6,25 dollars, soit tout de même une hausse concrète de près de 1 000 % depuis le 6 janvier.

Il y a en effet eu des précédents. Des confusions du genre, il y en a déjà eu. Par exemple en 2014, Tweeter Home Entertainment Group, qui n’a rien à voir avec un réseau social bien connu, avait gagné 1 000 % grâce aux achats massifs de traders trop impatients et inattentifs, alors que se préparait la vraie IPO de Twitter.

Autre cas semblable, la société chinoise Zoom Technologies, cotée aux Etats-Unis, a été prise en 2020 pour l’entreprise spécialisée dans la visioconférence Zoom, devenue incontournable pendant le confinement. Son action avait flambé de 900 % entre janvier et mars, avant de brusquement retomber elle aussi.

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