Les opérateurs de marché : investir dans l’investissement ?

À l’origine, il y avait les échanges. D’abord pratiquées pour obtenir des ressources que l’on ne pouvait produire soi-même, les transactions ont vu apparaître la monnaie. Fabuleuse intermédiaire qui revêtait la qualité de socle permettant d’attribuer de la valeur aux biens et aux services dans un langage commun, elle s’est déclinée en plusieurs devises. Puis, de sa forme fiduciaire a émergé par nécessité et par progrès son état virtuel.

L’évolution des marchés financiers

Les transactions se sont multipliées, dématérialisées. La révolution industrielle au XIXe siècle permit le développement des marchés boursiers dont des bribes plus ou moins abouties avaient déjà vu le jour dès le XIIIe siècle. Leur raison d’être est d’organiser l’échange des valeurs (actions, obligations…), des matières premières ou des produits financiers plus élaborés, à l’instar des contrats à terme. Aujourd’hui, vous connaissez sûrement Euronext, le New York Stock Exchange, le London Stock Exchange ou encore le Nasdaq. Toutes ces plateformes d’échange d’actifs sont de la même nature : elles sont des opérateurs de marché.

L’importance des opérateurs de marché et leur évolution

Que recoupe cette expression ? Les opérateurs de marché, aussi appelés « infrastructures de marché » ou « marchés organisés », sont tout simplement ces entités qui facilitent la négociation d’actifs financiers. La chaîne de valeur des opérateurs se divise entre quatre acteurs principaux : les bourses de valeurs, les bourses de matières premières, les systèmes de compensation et règlement-livraison, ainsi que les systèmes de paiement. Ensemble, ils constituent les fondations solides permettant l’épanouissement des marchés, en offrant un cadre sécurisé pour l’exercice des transactions. Le grand architecte de votre portefeuille que vous êtes ne pourrait construire son avenir sans que ces sociétés n’existent. Elles sont par essence nécessaires.

Incontournables donc. Mais, intéressantes par ailleurs ? En fait, il s’avère que le marché des opérateurs de marché bénéficie d’un environnement dynamique à mesure que les particuliers s’intéressent de plus en plus à l’investissement, notamment dans le contexte des premiers signes d’agonie du système de retraite par répartition dans le cas français. Par ailleurs, pour diversifier leurs sources de revenus, les opérateurs de marché parviennent à développer des solutions innovantes à même de renflouer leurs caisses. Plus globalement, le segment des opérateurs s’inscrit dans le marché des services financiers, qui devrait croître à un rythme annuel de 7,5% par an en moyenne jusqu’en 2027 selon le rapport Financial Services Global Market Report 2023 publié par GlobeNewswire.

Investir dans l’investissement est ainsi possible. Néanmoins, il est capital de comprendre le fonctionnement de ces sociétés ainsi que les défis de ce marché avant de passer le pas. Finneko pousse les portes de ces géants qui façonnent la finance et vous mène à leur rencontre.

Tour d’horizon des business model des opérateurs de marché

Les opérateurs de marché se distinguent par des modèles économiques variés, destinés à répondre à des besoins spécifiques. Les principaux modèles sont les suivants : les bourses traditionnelles (de valeurs ou de matières premières), les systèmes de compensation et les plateformes électroniques.

Premièrement, les bourses traditionnelles (Euronext, NYSE, LSE, Nasdaq, etc…) fonctionnent en premier lieu sur un système de frais de transaction (fees) qu’elles facturent pour chaque échange d’actions ou d’obligations effectué sur leur plateforme. Néanmoins, loin de constituer leur seule source de revenus, dans un second temps elles génèrent des recettes par le biais de frais d’inscription que les entreprises doivent payer pour être cotées. Aussi, à leurs services d’échanges et de cotations s’ajoutent les services de données de marché qu’elles vendent à des institutions financières et les solutions technologiques liées aux datacenters. La composition du chiffre d’affaires d’Euronext pour l’année 2023 l’illustre bien. En hausse de 7,8% sur un an, bien que les revenus de trading sur actions composent 18% de son CA global de 1,475 milliard d’euros, ce dernier est porté à 60% par les activités non liées aux volumes de transaction tels que les services de cotation et corporatifs (15 %), les services de données avancées (15 %), les solutions technologiques (8 %) ou encore les activités de règlement-livraison (17 %), qui incarnent la dernière étape dans un échange de titres.

Source : Euronext, Euronext Q4/FY 2023 results, 15 février 2024Source : Euronext, Euronext Q4/FY 2023 results, 15 février 2024

Deuxièmement, les systèmes de compensation, comme la bruxelloise Euroclear ou la luxembourgeoise Clearstream, jouent un rôle fondamental par le fait de garantir que les transactions soient correctement exécutées et que les contreparties reçoivent les titres et les paiements attendus. Leur modèle économique repose sur les frais de compensation qu’ils facturent par transaction, ainsi que sur les services annexes comme la gestion de titres et la prestation de services aux émetteurs. En 2023, selon les estimations du cabinet de conseil McKinsey, les services de compensation représentaient un marché de 15 milliards de dollars, avec une croissance stable portée par l’augmentation des volumes de transactions.

Troisièmement, les plateformes électroniques et les systèmes multilatéraux de négociation (MTFs) offrent une alternative aux bourses traditionnelles en permettant des échanges rapides et à moindre coût par le biais des systèmes électroniques. Une concurrence certes, mais qui se fonde sur le même modèle de rémunération, se reposant principalement sur les frais de transaction et sur les services de colocation, qui correspondent à l’hébergement de serveurs proches de ceux de la plateforme pour réduire la latence des transactions. Les MTFs ont le vent en poupe en raison du fait qu’ils proposent des solutions comblant les limites des systèmes boursiers traditionnels.

Opérer sur les marchés, pourquoi est-ce une aubaine ?

Plusieurs catalyseurs viennent apporter de la crédibilité aux infrastructures de marché. D’une part, en particulier pour les bourses traditionnels, la récurrence des revenus due aux frais de transaction et aux abonnements pour les données de marché apporte une sécurité quant à leur solidité financière et ce d’autant plus que les investisseurs particuliers prolifèrent de plus en plus. En effet, 40% des moins de 35 ans déclarent investir sur les marchés financiers selon une étude menée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) publiée en mars 2023, et ce chiffre devrait continuer de croître selon les estimations, cela en raison de la conscientisation du besoin de constituer des revenus complémentaires de ceux issus du travail.

Par ailleurs, les acteurs du marché des opérateurs doivent se doter d’équipements capables d’assumer des volumes incommensurables de transactions tout en assurant une sécurité aux données des utilisateurs. L’investissement technologique est donc primordial et inévitable, tout comme la réglementation, rigoureuse quant il s’agit de services financiers. Ces deux facteurs érigent des barrières à l’entrée difficilement franchissables et renforcent les positions hégémoniques des sociétés déjà en place.

En plus de cela, ce segment de marché tend vers la concentration, fortifiant son organisation oligopolistique. Il est par conséquent courant que des opérateurs renforcent leur position en acquérant d’autres entreprises concurrentes, soit pour élargir leur gamme de produits (acquisition horizontale), soit pour entrer sur de nouveaux marchés (acquisition verticale). Pour illustrer cela, l’acquisition de Refinitiv par le LSE en 2021 pour 27 milliards de dollars a permis à la bourse de Londres d’élargir considérablement son portefeuille de données financières et de renforcer sa compétitivité face aux géants américains. Plus récemment, le PDG d’Euronext Stéphane Boujnah a annoncé être prêt à de futures fusions avec des rivaux régionaux, bien que les autorités de la concurrence pourrait faire barrage à une telle éventualité comme cela avait déjà été le cas lorsque la Deutsche Börse et le LSE avait tenté un rapprochement en 2017.

Attention cependant, plusieurs risques s’alignent.

L’univers des marchés financiers, vous l’avez remarqué en début de semaine, est vorace, impitoyable et par-dessus tout irrationnel (en tout cas plus longtemps que vous ne restez solvable). Ainsi, les opérateurs doivent naviguer à vue dans un océan de risques qui peuvent déstabiliser leur activité. Le risque de marché les concerne tout autant, si ce n’est plus, que nous autres, investisseurs particuliers. En effet, leurs revenus, liés aux transactions nous l’avons vu, peuvent se retrouver amputés par des phases durables d’incertitudes causées par des périodes récessives ou de crises. À cela s’ajoute la réglementation, contraignante, coercitive, incontournable (vraiment ?). En fait, un léger soubresaut législatif peut bouleverser le monde des opérateurs de marché, comme l’illustre bien la directive MiFID II présentée par la Commission Européenne en novembre 2021, intensifiant le devoir de transparence et les règles de la concurrence et érodant par la même les marges bénéficiaires des bourses. Enfin, le facteur technologique est soumis à des fantômes que l’on ne connaît que trop bien. De la panne (coucou CrowdStrike) à la cyberattaque, l’outillage technologique peut être à l’origine d’une paralysie totale des marchés, laissant dans son sillage des perturbations que nous avons déjà évoquées à l’occasion de la panne du 19 juillet dernier.

Ainsi, investir dans les opérateurs de marché représente une opportunité séduisante, car ces infrastructures sont le cœur que vous faites battre par vos investissements. D’autant plus que la perspective d’une multiplication du nombre d’investisseurs dans les années à venir laisse espérer des flux financiers d’autant plus conséquents : de la valeur de rendement, les projections pourraient bien faire connaître aux opérateurs de marché leurs heures de gloire en les métamorphosant en valeurs de croissance. Il convient de s’aventurer en ayant conscience des risques et surtout, en creusant au cas par cas au sujet des sociétés opératrices de marché.

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