L’homme qui a ANTICIPÉ le LUNDI NOIR (Paul Tudor Jones)
Transcription
Que ce soit Warren Buffet, Georges Soros ou même James Simons, le XXe siècle a été plus que fourni en grands noms du trading. Mais on oublie souvent la personnalité qui nous intéresse aujourd’hui. Un gestionnaire de fonds spéculatifs hors pair, l’un des meilleurs traders des cent dernières années. Nous parlons bien sûr de Paul Tudor Jones. A la tête de sa société Tudor Group, qu’il a fondé il y a maintenant 37 ans, il a multiplié les coups de maîtres tout en affichant une régularité impressionnante. Nous vous racontons aujourd’hui le parcours de ce redoutable investisseur américain, qui se revendique de la vieille école du trading, et qui en a les lettres de noblesse.
Mais avant de se lancer sur les marchés financiers, Paul Tudor Jones a su impressionner son entourage dès sa jeunesse…
Un parcours scolaire brillant
Paul Tudor Jones II est né en 1954 à Memphis dans le Tennessee. Très tôt et tout au long de ses études, il se distingue des autres, excellant dans des domaines extrêmement variés on lui accorde souvent des responsabilités. Il étudie d’abord à l’université de sa ville natale où il préside l’une des fraternités. Il parvient même à devenir le champion de son campus universitaire en boxe amateur. Très tôt, il affiche un mental et des aptitudes hors-normes. Suite à l’obtention de son diplôme d’économie, il commence à travailler en 1976 sur les marchés financiers en se faisant embaucher par le broker E.F. Hutton. Au bout de deux ans, il postule à Harvard mais estime finalement que l’école ne lui enseignera plus rien d’utile pour exercer le métier dont il rêve.
Mais d’où lui vient cet attrait pour les marchés financiers ? Jones a souvent raconté que ce fut indirectement grâce à son père. Il faut savoir que ce dernier dirige à l’époque un journal commercial et juridique dans lequel le jeune Paul Tudor rédige des articles au cours de ses études universitaires, sous le pseudonyme « Eagle Jones ». C’est à ce moment-là qu’il découvre et dévore un article sur Richard Dennis, le célèbre trader de matières premières qui a formé le groupe des « Turtle traders ». Ce qui le marque profondément.
Après un succès total durant ses études, et un objectif professionnel bien défini, le jeune ne perd pas de temps, et se lance dans le grand bain…
Un redoutable gestionnaire
C’est en 1980, quatre ans après avoir obtenu son diplôme universitaire, que Jones décide de commencer à trader seul. Il devient alors trader indépendant au Cotton Exchange de New York. Il connaît d’ailleurs un succès considérable. C’est simple, pendant quatre ans, il ne connaît qu’un seul mois de perte. Il se décide ensuite en 1984, à se lancer dans la gestion de fonds de couverture.
L’Américain lance alors le Tudor Investment Corporation avec un actif sous gestion de 1,5 million de dollars. Cette société a son siège social à Greenwich dans le Connecticut. Rapidement, le Tudor Group, composé de la fameuse Tudor Investment Corporation et de ses sociétés affiliées, participe au trading, à l’investissement, et à la recherche d’actifs dans des catégories d’actifs à revenu fixe. Que ce soit en devises, en titres et en produits de base. Mais aussi sur des produits dérivés et autres instruments sur les marchés mondiaux. La capacité d’investissement de toutes ces entités concerne le trading global, les investissements en actions aux États-Unis et en Europe, les marchés émergents, le capital-risque ou encore les matières premières.
Pour la petite histoire, depuis 2014, la valeur nette de Jones n’est toujours pas descendue en dessous des 4 milliards de dollars. Jusqu’en 2008, Paul Tudor Jones ne connaît d’ailleurs aucune année difficile. Pendant près de 20 ans, le retour à + 1,6 % en 1993 constitue sa pire année. Le fin gestionnaire, toujours à la tête de son groupe aujourd’hui, gère plus de 13 milliards de dollars. Forbes le considère comme l’un des 40 gérants d’hedge fund les mieux rémunérés au monde. A titre personnel, sa fortune est estimée à 5,8 milliards de dollars ce qui fait de lui le 320e homme le plus riche de la planète.
Mais à tous les grands mythes de la finance, leurs exploits époustouflants…
Le coup de génie
Sans compter ses résultats plus qu’impressionnants, le natif du Tennessee marque l’histoire de la finance un jour de 1987. Cette histoire est encore aujourd’hui racontée comme une légende. Paul Tudor Jones est en effet connu pour avoir prédit et profité du Black Monday. Ce nom fait référence au lundi 19 octobre de l’année, jour où l’ensemble des marchés mondiaux subissent d’importantes chutes. Ce jour-là le Dow Jones perd par exemple près de 23 %.
Peu de temps avant le krach, grâce à l’analyse technique et à l’analyse des données historiques du S&P, Paul Tudor Jones anticipe la catastrophe. Un tour de force. Il se met donc à massivement shorter les actions US. Avec une baisse de plus de 22 % en une seule journée pour le Dow Jones, Paul Tudor Jones gagne en 24 heures plus de 100 millions de dollars. Un pari qui le rend immédiatement mondialement célèbre sur les marchés financiers. Si bien qu’un documentaire intitulé Trader – et diffusé peu de temps après le Black Monday – se consacre aux coulisses de ce coup de génie. Mais, petite anecdote, Jones fait alors tout pour interdire d’autres diffusions et achète un maximum de copies pour ne pas dévoiler ses secrets de trading.
L’homme inspire et chamboule l’univers dans lequel il évolue. En tant que directeur de la Future Industry Association cette fois, il plaide en faveur de la mise en place de la première formation en éthique. Elle est aujourd’hui devenue la norme d’adhésion à tous les échanges sur les marchés à terme aux États-Unis.
Avec un tel pédigrée, on pourrait croire que Jones a la folie des grandeurs et une confiance aveugle en ses capacités, mais il n’en est rien…
Talentueux mais pas tête-brûlée
Certes, Paul Tudor Jones est considéré comme l’un des plus grands traders du XXe siècle. Mais pourtant, malgré ses coups de génie et ses résultats exceptionnels, il est loin de prôner la prise de risque à tout prix sur les marchés. Sa crainte absolue, il le reconnaît lui-même, c’est de subir des pertes. « Je pense que je suis l’investisseur le plus conservateur au monde » confie-t-il un jour à la presse. « Je dirais que ma philosophie d’investissement est que je ne prends pas beaucoup de risques. Je cherche des trades avec des opportunités de risque de récompense extrêmement asymétrique. 90 % de ce qui fait un grand trader est le contrôle des risques. Ne négociez jamais dans des situations où vous n’avez pas le contrôle » prône-t-il souvent.
Pourtant le malin trader sait encore sentir les bons coups, et à donner de sa personne pour aiguiller ses clients…
Un fan du bitcoin
Ce n’est plus un secret pour personne sur les marchés, Paul Tudor Jones mise grandement sur la reine des cryptomonnaies. Dans une lettre de conseils d’investissement envoyée en mai 2020 à ses clients, le gestionnaire déclare avoir autorisé son fonds spéculatif Tudor BVI à allouer « une petite partie » de ses actifs aux contrats à terme sur le bitcoin.
Jones et le bitcoin, c’est une histoire vieille de 4 ans. Il s’intéresse en effet au BTC pour la première fois en 2017, doublant son argent avant de le vendre à près de 20 000 USD, son plus haut niveau (de l’époque). Pour lui les bitcoins représentent « la quintessence de la rareté ». « Le bitcoin me rappelle l’or lorsque je me suis lancé dans ce secteur en 1976 », explique-t-il dans cette lettre.
Mais dans une interview accordée peu de temps après à CNBC, il est allé plus loin en déclarant que Wall Street pourrait assister à la « naissance historique d’une réserve de valeur » avec le bitcoin. Pour encourager et convaincre ses clients investisseurs, il s’est débrouillé pour détenir près de 2 % de ses actifs en cryptomonnaie. Même sa légendaire prudence ne parvient plus à camoufler son enthousiasme « Le BTC n’a pas encore résisté à l’épreuve du temps, comme l’a fait l’or par exemple. Mais chaque jour qui passe où le bitcoin survit, la confiance augmente ».
Etant l’un des hommes les plus riches du monde, la natif de Memphis a souvent mis son argent aux services de causes plus nobles…
Philanthrope
Paul Tudor Jones est aussi un trader qui utilise une partie importante de sa fortune pour faire des dons. N’ayant jamais oublié d’où il vient, il a notamment fait de nombreux dons à l’Université de Virginie : par exemple 35 millions de dollars pour un nouveau gymnase ou encore 12 millions pour la création d’un nouveau centre des sciences contemplatives. A noter également qu’en 1988, il cofonde la Robin Hood Foundation, qui a pour objectif de réduire la pauvreté dans la ville de New-York.