Nucléaire civil : source d’énergie d’avenir, défis cruciaux à venir
En France, la stratégie politique au sujet de l’énergie nucléaire a consisté pour le gouvernement à annoncer un plan d’investissement pour la création de 6 EPR à horizon 2050, moyennant un montant total de 48 milliards d’euros. Plusieurs questions se posent, la première étant : Qu’est-ce qu’un EPR ? Un réacteur européen pressurisé ou Evolutionary pressurized reactor (EPR) est un réacteur nucléaire de la troisième génération de réacteurs, plus sûr et plus performant au regard du critère d’évolution.
Quelles en sont les retombées ? D’une part, la construction de ces réacteurs va générer un chiffre d’affaires pour le constructeur, notamment pour l’entreprise de génie civil Eiffage qui a été désignée en 2023 afin de faire sortir de terre deux des six EPR. Une enquête menée par le cabinet de conseil en stratégie Sia Partners a conclu que cette phase initiale de projet de renouvellement du paysage nucléaire français permettrait la création d’au moins 19 000 postes, l’initiative étant donc en faveur de l’emploi. Dès lors que l’exploitation sera engagée, les réacteurs devraient employer entre 400 et 500 agents, pour des retombées économiques évaluées à 50 milliards d’euros, bien qu’elles puissent être supérieures dans la perspective d’une rénovation complète du parc nucléaire français.
Entre une France impliquée sur ce volet nucléaire et un défi énergétique majeur à l’aune de la hausse des températures (cf. les publications du programme européen Copernicus) à laquelle le nucléaire en tant qu’énergie propre entend répondre, plongeons-nous au cœur du réacteur afin de comprendre la place du nucléaire sur les marchés financiers.
L’uranium, le coeur du nucléaire
L’uranium, essentiel pour l’énergie nucléaire grâce à ses propriétés fissiles, surtout avec l’isotope Uranium-235, joue un rôle crucial dans la production d’électricité mondiale. Abondant dans la croûte terrestre, il est au cœur de l’économie énergétique. Les réserves d’uranium sont inégalement réparties, avec l’Australie en tête (31%), suivie par le Kazakhstan (10%), le Canada (9%), la Russie (8%) et la Namibie (5%), soulignant une diversité géographique vitale pour la sécurité énergétique. En 2022, le Canada est le premier exportateur mondial (22%), suivi de près par l’Australie, la Russie et le Kazakhstan, indiquant un marché dynamique et compétitif. Du côté des receveurs, les principaux importateurs sont les États-Unis (29%), la Chine (15%), la France (10%) et le Japon (9%), ce qui met en lumière l’importance stratégique de l’uranium pour l’énergie mondiale.
En termes économiques, le marché de l’uranium est un poids lourd. Estimé à environ 60 milliards de dollars en 2023, il reflète l’importance cruciale de l’uranium dans le paysage énergétique. Cette valorisation est d’autant plus significative que le prix de l’uranium a connu une forte hausse en 2023, atteignant les 106 dollars à la fin du mois de janvier 2024, avant de retomber autour des 92 USD au début du mois de mars. Cette augmentation, stimulée par des facteurs tels que la guerre en Ukraine, met en lumière la volatilité et l’importance stratégique de l’uranium sur les marchés énergétiques et financiers mondiaux. De plus, on constate que ces dernières années, elle a poussé les entreprises du marché à augmenter leurs volumes de production.
Un marché jupitérien, empreint d’un enchevêtrement d’enjeux labyrinthiques
Au premier trimestre de l’année 2023, les énergies fossiles représentent 59,9% de l’énergie mondiale produite, et plus modestement, le nucléaire atteint 9,6%. Alors que les Etats-Unis et la France raflent les deux premières places dans la production de cette énergie issue de la fission des noyaux d’uranium ou de plutonium, les pays asiatiques ont débuté il y a peu des chantiers de constructions de centrales. En 2021, 16 projets concernaient la Chine, tandis que 8 cratères nucléaires poussaient en Inde.
Toutefois, malgré toutes ces initiatives afin de développer le parc mondial nucléaire, la part de cette énergie dans le mix électrique mondial a évolué à la baisse entre 1995 et 2021, passant de 19 % de la production d’électricité totale dans le monde à 15,1% en 2021. Ce qui explique cette diminution, c’est principalement la montée en puissance des énergies renouvelables, entre le solaire, l’éolien, la biomasse et la géothermie. En effet, sur la même période, cette catégorie d’énergie est passée de 2% du mix électrique à 13%. Nonobstant, cette diminution de la part dans le total n’a pas été concomitante d’une baisse du chiffre d’affaires des entreprises du secteur. En effet entre 2015 et 2021, le chiffre d’affaires global est passé de 190 milliards d’euros à 224 milliards d’euros, soit une augmentation de 18% en l’espace de six années. Cette croissance fulgurante, qui se constate principalement entre les années 2020 et 2021 est notamment due à l’augmentation des tarifs de l’électricité en Europe, ce qui permis à EDF, société cruciale du secteur, de se démarquer en matière de volume de richesses produites.
Mais alors, qui sont les acteurs principaux de ce marché ? Fin 2022, en matière de capacité de production, estimée à partir de l’aptitude à produire en mégawatt, la France se place en tête du classement grâce à son leader Électricité de France (EDF), société créée au sortir de la guerre le 8 avril 1946. En effet, l’entreprise publique française de production et de fourniture d’électricité avait une capacité à hauteur de près de 69 500 MW, is this the power of a god ? Cette force lui a permis notamment en 2023 d’afficher un bénéfice net record de 10 milliards d’euros pour un chiffre d’affaires de 137,9 milliards d’euros. C’est ensuite à CGN Power, société chinoise, de lui emboîter le pas avec une capacité installée de 28 261 MW. En troisième position, la société sud-coréenne Korea Electric Power Corporation affiche une puissance de 23 250 MW pour 44 739 millions de CA en 2021. Deux sociétés américaines viennent clore ce gotha nucléaire mondial : Exelon et Duke Energy (respectivement 21 479 MW et 10 700 MW).
Le marché du nucléaire fait face à plusieurs défis cruciaux. D’une part, les catastrophes de Tchernobyl en 1986 et de Fukushima en 2011 demeurent des témoignages alarmants des conséquences potentiellement désastreuses d’accidents nucléaires. Il est donc nécessaire de s’atteler à la rénovation ou à la reconstruction du parc nucléaire mondial pour éviter que des événements délétères majeurs en raison de défaillances techniques ou de catastrophes naturelles se réitèrent. Toutefois, cet enjeu de reconstruction impose des coûts prohibitifs pour les nations, tout en sachant qu’une partie de la population est opposée à cette forme d’énergie. Enfin, au-delà des risques d’accident et de la popularité de cette forme d’énergie, la gestion des déchets radioactifs pose un défi colossal pour l’industrie. La durabilité de leur radioactivité s’étalant sur des millénaires, ces déchets exigent des solutions de stockage sûres et pérennes, engendrant des coûts faramineux et des problématiques environnementales complexes (pollution des nappes phréatiques ou surconsommation d’eau par exemple). Ce traitement des déchets est l’objet de la création de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs en France en 1979.
Quelques lumières pour éclairer davantage votre connaissance du sujet
Si vous souhaitez en savoir plus au sujet du nucléaire, il existe plusieurs moyens de suivre son actualité. D’une part, en termes d’information pure, vous pouvez vous ressourcer sur le site de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui propose un contenu exhaustif afin de saisir en profondeur le fonctionnement et les enjeux du nucléaire. D’autre part, d’un point de vue financier, pour capturer les grandes tendances du marché, vous pouvez suivre les résultats des sociétés leader du marché comme EDF ou Orano pour le marché français, et Exelon et Duke Energy pour le marché américain. L’Asie et son appétit grandissant devrait également vous intéresser. Enfin, pour un zoom plus précis sur l’uranium, intéressez-vous au cours de l’Uranium U308 qui relate le prix de la matière première aux fondements du nucléaire.