The Big Short, la crise financière des subprimes expliquée avec brio !
Sorti en 2015, The Big Short, (“Le casse du siècle” en français) est un film primé aux Oscars. Ce film a été loué pour sa description claire, originale et même humoristique de l’ambiance de Wall Street et des événements complexes qui ont conduit à la crise des subprimes en 2007 et la crise bancaire et financière qui en a découlé.
Le film est l’adaptation fidèle d’un ouvrage écrit en 2010 par Michael Lewis. Celui-ci était trader à Wall Street avant de devenir écrivain. Son expérience lui a permis de rédiger l’un des récits les plus essentiels de la crise financière de 2007-2010, intitulé The Big Short : Inside the Doomsday Machine.
Le film raconte non seulement les événements qui ont conduit à l’effondrement des prêts hypothécaires à risque, mais aussi les sentiments contradictoires de plusieurs hommes (réels ou inspirés de personnes réelles) qui avaient prévu la crise bien à l’avance et ont pu ainsi faire fortune. Une des forces du film est de parvenir à expliquer simplement des concepts complexes sur le monde de la finance et du trading. Mais ce film dépeint-il vraiment la réalité sur les événements conduisant à la crise des subprimes et la manière dont certains traders ont pu en bénéficier ? A quel point est-il fidèle à la réalité et quelles sont les leçons à en tirer ? Voilà nos réponses.
The Big Short correspond-il à la réalité ?
Comme dit plus haut, le film est une adaptation assez fidèle du livre écrit par Michael Lewis, un trader qui a assisté aux premières loges à l’effondrement du marché américain. Les personnages sont vraiment inspirés de personnes réelles. Michael Burry (Christian Bale) était un investisseur en bourse chez Scion Capital. Il marchait pieds nus dans ses bureaux et écoutait du métal. Le personnage de Mark Baum (Steve Carell) est fondé sur le gestionnaire de fonds spéculatifs Steve Eisman. Le film conserve ses origines juives et son franc-parler. Jared Vennett (Ryan Gosling) est inspiré de Greg Lippmann, vendeur d’obligations à la Deutsche Bank. « Il avait les cheveux gominés, à la manière de Gordon Gekko, et les favoris longs, à la manière d’un compositeur romantique des années 1820 ou d’une star du porno des années 1970 », explique Michael Lewis dans son ouvrage. Ben Rickert (Brad Pitt) est basé sur Ben Hockett, et a la même vision d’un monde courant à sa perte.
Et, en effet, tous ces hommes se rendent compte tour à tour qu’il y a un problème avec les titres hypothécaires, en particulier ceux qui reposent sur le marché risqué des subprimes. Le film est précis quant à la trajectoire historique des événements. Il est vrai qu’un nombre étonnant de personnes, y compris le président de la Réserve fédérale lui-même, ont continué à ignorer la bulle du marché immobilier et même à nier qu’elle pouvait se produire.
En revanche, comme le prix Nobel d’économie Paul Krugman l’a souligné en parlant du film, ils étaient loin d’être les seuls. En 2005, Google Trend observe un pic de recherche sur le terme “housing bubble” (c’est-à-dire “bulle immobilière”). De même, plus de 1600 articles sont publiés dans des grands journaux de la presse économique ou générale sur ce risque.
Un autre économiste, Jeffrey A Tucker conseille de regarder le film Margin Call pour avoir une compréhension plus humaine du fonctionnement des marchés financiers. Pour lui, ces établissements financiers ne sont pas, dans l’ensemble, motivés par des malversations illégales. Mais ils obéissent aux signaux du marché, comme c’est leur travail. Il déplore également que le film ne blâme pas plus la Réserve Fédérale. Elle a été à l’origine de la hausse des coûts de remboursement des prêts à partir de 2005. Elle a également fait la sourde oreille lorsque les premières sonnettes d’alarme ont été tirées.
Comment The Big Short nous explique différentes notions de finance complexe ?
The Big Short utilise des moyens marquants et même humoristiques pour expliquer simplement, en utilisant des métaphores, des instruments et outils financiers complexes. Il permet de comprendre des notions comme les CDO (collateralized debt obligations) et les CDS (Credit Default Swap), ou les titres adossés à des créances hypothécaires qui ont contribué à faire sombrer l’économie mondiale. Nous pouvons louer cette performance. En effet, le réalisateur parvient à expliquer clairement et de manière juste les raisons principales de la crise des subprimes et la manière dont certains traders ont réussi à en tirer parti.
Par exemple, le film explique de manière simple pourquoi les CDO ont eu un tel succès dans une scène où l’actrice Selena Gomez joue au blackjack. Avec l’économiste Richard Thaler, ils définissent comment les CDO utilisent l’effet de levier pour placer des paris sur des paris, augmentant ainsi de manière exponentielle les sommes mises en danger par la titrisation des prêts hypothécaires. Les paris additionnels de plus en plus importants sur la main de blackjack de Gomez sont excellents lorsqu’elle gagne, une métaphore pour un marché immobilier en hausse. Cependant, lorsque Gomez perd la main – ou que les prix de l’immobilier commencent à baisser – ces mises secondaires déclenchent un effet domino qui crée des pertes de plus en plus importantes.
Dans une autre scène, Ryan Gosling tire des blocs d’une tour de Jenga pour montrer comment les tranches fonctionnent dans les titres adossés à des créances hypothécaires (MBS) telles que les obligations hypothécaires garanties (CMO). En retirant les blocs de la partie inférieure de la tour, Ryan Gosling explique que les titres les mieux notés, situés en haut de la tour, ne peuvent tenir debout lorsque les titres les moins bien notés font faillite et sont retirés de la base.
D’autres exemples sont délibérément irrévérencieux, utilisant des métaphores et des termes de tous les jours. Il y a quelques clins d’œil pour les cinéphiles. Ainsi, une séquence montre l’actrice Margot Robbie dans un bain moussant, buvant du champagne, alors qu’elle parle de la fragilité des subprimes. C’est la même actrice qui jouait la femme de Jordan Belfort (Leonardo di Caprio) dans The Wolf of Wall Street. Anthony Bourdain, personnalité de la télévision gastronomique, explique que le fait de jeter un poisson vieux de deux jours dans un ragoût est similaire aux prêts hypothécaires à risque mis dans des CDO pour cacher leur nature risquée aux clients peu méfiants.
Regarder The Big Short est une manière distrayante de mieux comprendre certains rouages du monde de Wall Street et la manière dont le château de cartes a pu s’écrouler ainsi en 2007.
Que peut nous apprendre ce film sur le métier de trader ?
Les scènes du film sont tirées du livre et donc basées sur des personnes et des situations réelles.
C’est une plongée réaliste dans la complexité de ce métier pour mener certaines opérations. Quand les jeunes investisseurs Charlie Geller et Jamie Shipley découvrent par hasard la présentation marketing de Vennett et décident d’investir dans des swaps (des produits dérivés financiers), ils n’ont pas le seuil de capital requis pour un accord-cadre ISDA (Association Internationale des Swaps et Dérivés : une organisation regroupant les acteurs majeurs sur les marchés financiers dérivés). Ils doivent alors faire appel à Ben Rickert pour obtenir les sommes suffisantes et signer le contrat juste à temps pour investir. Il est en effet particulièrement compliqué d’obtenir cette convention. Il faut avoir au minimum 25 millions de garanties pour avoir accès à un certain nombre de deals et de produits réservés à un club très fermé. En 2013 par exemple, quand le milliardaire anglais Chris Rokos monte son family office, il doit se constituer garant personnel pour obtenir l’ISDA. En cas de défaut de paiement, il aurait dû utiliser sa fortune personnelle.
Le film illustre aussi comment les prises de position des traders experts ne se font pas sur une vague intuition. Ils mènent des enquêtes poussées, doivent convaincre des investisseurs et ils agissent après mûre réflexion. Comme expliqué au début de l’article, ils étaient nombreux à avoir détecté le risque d’effondrement du marché dès 2005. Mais le génie des protagonistes est d’avoir compris que les subprimes avaient réussi à infecter des produits financiers supposés sûrs et que des milliards de dollars étaient dans la balance.
Même si vous étiez assez malin en 2005 pour voir l’explosion de la bulle immobilière se profiler, vous n’auriez pas nécessairement été en mesure d’en tirer autant profit que les personnages de The Big Short. Le métier de trader consiste vraiment à se tenir en permanence au courant de l’actualité. Il faut étudier les tendances du marché et la manière dont il peut s’infléchir dans un sens ou dans un autre. Pouvoir défendre une position ou un investissement est nécessaire quand vous avez des comptes à rendre. Savoir exactement contre quels titres parier – et comment et quand – importe autant que l’intuition de base. Le film en rend bien compte, puisque les personnages sont confrontés à une crise de confiance lorsque le marché de l’immobilier continue à augmenter et que leurs positions à la baisse leur font perdre des millions.
« J’étais peut-être en avance, mais je n’ai pas tort », déclare Michael Burry (Christian Bale). « C’est la même chose », lui répond un investisseur sceptique.
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