Tout comprendre sur The Merge d’Ethereum
Ethereum a fait l’objet de vives critiques depuis maintenant plusieurs mois. Au cœur de la tourmente : les frais engendrés pour utiliser son architecture et sa consommation énergétique. Replongeons-nous sur son fonctionnement quelques instants pour comprendre la situation actuelle.
Ethereum repose sur un réseau informatique décentralisé, composé de milliers de machines, lui apportant sécurité et décentralisation. Chaque nœud de ce réseau dispose d’une copie de la blockchain, le registre contenant l’intégralité des transactions et contrats intelligents. Ainsi, la donnée intégrée au cœur de la blockchain se veut immuable, infalsifiable et ultra-sécurisée car protégée par des milliers de copies un peu partout dans le monde.
Là ou Bitcoin aspire à devenir une monnaie mondiale, incensurable et une réserve de valeur, Ethereum, est conçu pour accueillir de nombreux projets en son sein : des applications décentralisées (dApps). Ainsi des développeurs peuvent créer du code, une cryptomonnaie et des applications sur Ethereum. Souvent mentionné comme un “ordinateur mondial”, son succès a vite mis en avant les limites de sa conception initiale.
Le problème d’Ethereum
La capacité transactionnelle d’Ethereum n’est pas suffisante pour gérer la charge d’un écosystème en pleine croissance. Des centaines d’applications se sont créées et sollicitent Ethereum, créant des goulots d’étranglement terribles. Toutes les transactions ne pouvant être prises en compte, la priorité est mise sur celles qui paient le plus de frais.
Côté mineur (ceux qui valident les transactions du réseau), il est naturel de sélectionner celles qui ont les frais les plus élevés. C’est plus rentable pour eux.
Côté utilisateur, soit vous payez des frais astronomiques, soit vos transactions restent en attente, expérience très désagréable quand on connaît la volatilité de ce marché.
La fondation Ethereum se devait de réagir, et de repenser son système. Mais la tâche n’est pas simple, car on ne peut couper Ethereum, faire les modifications et relancer le système comme sur une migration classique. Il faut tout faire en live, et cela rend le processus extrêmement complexe. Pour gérer au mieux cette charge énorme, le processus a été séparé en différentes étapes importantes, avec The Merge comme l’un des maillons de cette chaîne.
La mise à jour globale d’Ethereum, incluant The Merge
La mise à jour globale a deux objectifs principaux.
- Objectif n°1 : Augmenter la scalabilité du système.
La réduction des goulots d’étranglement se fera par la mise en place du sharding : le fractionnement du système Ethereum en 64 fragments communiquant entre eux pour booster la capacité transactionnelle.
Gain espéré : arriver à au moins 1000 transactions par seconde, voir même envisager 100 000 transactions par seconde selon Vitalik Buterin, le fondateur d’Ethereum. Cela réduira aussi de fait les frais appliqués aux transactions et contrats intelligents.
- Objectif n°2 : Réduire la consommation énergétique de façon conséquente, en changeant de mécanisme de consensus.
Par consensus il faut comprendre la façon dont les ordinateurs du réseau se mettent d’accord pour valider une donnée au sein de la blockchain. Pour Ethereum cela signifie un basculement d’un consensus basé sur le minage (Preuve de travail, comme pour Bitcoin), à un consensus basé sur le nombre de jetons en jeu (appelé Preuve d’Enjeu).
Concrètement, au lieu de faire tourner des machines pour sécuriser le réseau et trouver le consensus, il suffit de verrouiller des ETH à un endroit précis.
Gain espéré : réduire de 99.5% la consommation actuelle
Le processus global de cette mise à jour est très complexe, The Merge n’est finalement qu’un petit maillon de la chaîne. Voici l’ensemble des actions prévues, une synthèse est faite juste après.
Un processus simplifié pour The Merge
Pour présenter The Merge, il faut d’abord comprendre la nouvelle chaîne qui a été créée en amont : la beacon chain. Aussi appelée « consensus layer », cette chaine dispose du nouveau consensus, celui qui se base uniquement sur le nombre d’ETH verrouillés à un endroit précis. Il est beaucoup moins énergivore.
The Merge, c’est quoi ?
The Merge correspond à l’étape qui permet de raccrocher la chaîne initiale sur la nouvelle chaîne.
La récompense des blocs minés (quelques ETH par nouveau bloc) ne se base plus sur l’énergie consommée par les ordinateurs des mineurs, mais sur le nombre de jetons qu’ils vont verrouiller. Plus vous avez d’ETH verrouillés, plus vous êtes impliqués financièrement, plus vous avez de chance de trouver le prochain bloc de transactions et les récompenses associées.
La création de la beacon chain s’est effectuée fin 2020 et The Merge vient de s’exécuter le 15 septembre 2022. Les deux premières étapes se sont très bien déroulées, et donnent confiance pour les prochains jalons importants. Désormais le cap est sur « The Surge » en 2023 avec la fragmentation du système en 64 morceaux (shards).
Côté prix, on note plutôt une chute du cours à la suite de The Merge ; les gens ayant probablement déjà “pricé” son bon déroulement. “Buy the rumor, sell the news”, comme on dit.
The Merge : les impacts directs
Maintenant que The Merge est derrière nous, on peut en faire un premier bilan :
- Consommation énergétique en baisse grâce au changement de consensus.
- Pas plus scalable pour le moment, il faudra attendre la mise en place du sharding.
- Pas de réduction des frais pour le moment, il faudra attendre le sharding.
- Moins d’éthers sont émis lors de la génération des nouveaux blocs.
- Il est désormais plus facile de faire du staking d’ETH : verrouiller ses Ethers pour toucher une récompense.
Apparition de la ETHPOW
Lors du raccordement à la beacon chain, les mineurs étaient censés basculer sur cette nouvelle chaine, c’est d’ailleurs ce que la plupart ont fait. Mais certains membres du réseau continuent d’entretenir la chaîne initiale en minant des blocs avec l’ancien mécanisme de consensus : la puissance de calcul de leur ordinateur (la Preuve de Travail). Il s’est produit alors ce que l’on appelle un fork : un dédoublement de la chaîne.
- Une chaîne existe avec le verrouillage des ETH en consensus, suivie par la majorité du réseau.
- Une chaîne existe avec le minage des ETH en consensus, suivie par une minorité du réseau.
Ce dédoublement a créé ainsi des tokens un peu de nulle part, chaque chaîne ayant le même nombre d’ETH en son sein, donnant naissance à l’ETHPOW. Comme ce fut le cas pour le bitcoin avec le bitcoin cash.
Les deux types d’ETH ont un prix totalement différent et cela crée de la confusion mais rien d’alarmant. C’était un scénario prévisible et anticipé, car il est presque impossible de faire basculer 100% des membres d’un réseau sur un nouveau modèle.
Et le futur d’Ethereum ?
The Merge n’était donc qu’une étape difficile à passer mais effectuée avec brio par toute l’équipe Ethereum et bien suivie par les membres du réseau.
Cap sur le mise à jour The Surge et la mise en place du sharding. Ce sera une étape, là aussi, cruciale pour l’avenir d’Ethereum. Les trois dernières phases (verge, purge, splurge) sont plus lointaines et un peu moins lourdes en termes d’intégration. En tâche de fond il ne faut pas omettre que chacun de ces jalons ajoute un degré de complexité au système. Il sera donc très compliqué d’assurer une sécurité totale face à cette « usine à gaz » que devient Ethereum. Il est inévitable que des failles soient identifiées au cœur du nouveau système et qu’elles soient exploitées au maximum.
L’avenir nous dira l’ampleur des désagréments de ce côté-là, mais ce qui est certain c’est que le jeu en vaut la chandelle pour Ethereum.
Vitalik et la fondation ne peuvent, de toute façon, plus revenir en arrière.